LIEGE : Saint-Jacques, une grande abbaye bénédictine

[d’après CIRCUITDESCOLLEGIALES.BEFondée en 1015 par le prince-évêque Baldéric II, l’abbaye bénédictine de Saint-Jacques joua plusieurs fois un rôle non négligeable dans l’histoire de Liège. Qualifiée parfois d’église communale, les chartes, paix et diplômes de la cité y furent conservés à partir du XIVe siècle. La paix de Saint-Jacques, compilation de lois de la principauté de Liège, y fut signée en 1487. L’avant-corps, construit en grès houiller, fut édifié dans la seconde moitié du XIIe siècle. Dernier vestige de l’église romane, il a perdu ses deux tours qui encadraient le clocheton central encore visible. Le reste de l’édifice fut reconstruit entre 1514 et 1538 dans le style gothique flamboyant. Seules exceptions : le portail, inspiré par la Renaissance italienne et attribué à Lambert Lombard, qui fut érigé en 1558 et le campanile qui fut installé en 1635. Devenue collégiale en 1785, elle fut supprimée à la Révolution, puis fut convertie en église paroissiale après le Concordat. Elle perdit son cloître au XIXe  siècle, dont l’emplacement est aujourd’hui occupé par un petit square. L’entrée dans cette église vaut le détour, ne serait-ce que pour admirer les éléments décoratifs, riches compositions qui illustrent l’exubérance du gothique flamboyant.

Adresse : Place Saint-Jacques, 8 à 4000 Liège

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UNE GRANDE ABBAYE BÉNÉDICTINE

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La pointe méridionale de l’Ile, baignée par les bras de la Meuse. Une terre inhospitalière, marécageuse et déserte où rodent, dit-on, des animaux sauvages. C’est là que, en 1015, le prince-évêque Baldéric II (1008-1118) fonde Saint-Jacques, abbaye bénédictine promise à un brillant avenir.

UNE ÉCOLE MONASTIQUE RÉPUTÉE

Le rôle des écoles de Liège au XIe et au début du XIIe siècle et l’influence exercée par les maîtres liégeois dans l’Europe médiévale justifient ce titre prestigieux de “nouvelle Athènes” que Liège reçut au XIe siècle. L’enseignement assuré par les écoles de la cathédrale, des collégiales et des établissements monastiques regroupe les disciplines des sept arts libéraux (grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, astronomie, musique). Saint-Jacques, qui abrite un important scriptorium et une très riche bibliothèque, a joué un rôle de tout premier plan au sein du rayonnement intellectuel liégeois.

EVANGELISATION EN POLOGNE

Des liens étroits unissent, au Moyen Age, le pays mosan et la lointaine Pologne. Les moines de Saint-Jacques ne sont pas restés étrangers à cette “pénétration pacifique” des Wallons en terre polonaise : vers 1080, ils y fondent l’abbaye de Lubin.

UNE ÉGLISE COMMUNALE

A partir du XIIIe siècle, c’est à Saint-Jacques que sont conservés les chartes et diplômes de la Cité et qu’ont lieu les prestations de serment des bourgmestres de Liège. C’est là encore qu’en 1487 sera signée la Paix de Saint-Jacques, qui codifie les lois et règlements du pays de Liège.

UNE ABBATIALE DE PIERRE ET DE LUMIÈRE

De l’église romane, seul subsiste l’énorme choeur occidental en grès houiller (v. 1150-1170), privé de ses deux tours latérales. Le reste de l’édifice est l’ouvrage magistral du XVIe siècle et de l’architecte Art Van Mulken qui, de 1514 à 1538, dote Liège d’un dernier chef- d’oeuvre de l’art gothique flamboyant.

LE TRÉSOR DE SCULPTURES LE PLUS RICHE DE LIÈGE

Saint-Jacques, c’est aussi une collection extraordinaire de chefs-d’oeuvre sculptés dans le bois, le marbre ou la pierre, qui retracent les cheminements de l’art à Liège du XIVe au XVIIIe siècle. Vers 1350, un nouveau courant apparaît. Il s’attache au rendu du  vraisemblable, du réel.

Le raffinement extrême de la sculpture et la somptueuse polychromie, la  silhouette très élancée et le rythme nerveux de la draperie font de la Vierge de Saint-Jacques l’un des chefs-d’oeuvre du gothique tardif. Commandée sans doute par l’abbé Jean de Coronmeuse (1507-1527), elle dominait autrefois l’entrée du nouveau choeur.

En ce début du XVIe siècle, Liège accueille deux sculpteurs étrangers acquis à l’esthétique de la Renaissance : Daniel Mauch, originaire d’Ulm, et Nicolas Palardin, qui vient d’Italie. Une part importante de l’activité de Mauch s’exerce à Saint-Jacques où le maître (mort en 1540) et son épouse seront inhumés.

Nicolas Palardin dit l’Italien est à Liège en 1518. Il y décède quatre ans plus tard, laissant un atelier qui prospèrera sous la double appellation des Palardin et des Fiacre. Il semble avoir joué un rôle déterminant dans l’introduction et la diffusion à Liège du répertoire transalpin.

Cette façade monumentale, qui superpose trois étages d’ordres corinthien et composite, est traditionnellement attribuée à Lambert Lombard (1505 ou 1506-1566), figure de proue de la Renaissance liégeoise. Elle a beaucoup perdu de son décor sculpté, notamment les statues placées jadis au sommet des frontons et dans plusieurs niches. Elle a conservé un grand médaillon en
relief qui représente le Songe de Jacob. Cet épisode biblique évoque la présence mystérieuse de Dieu. Jacob, à son réveil, voulut en perpétuer le souvenir. Il dressa la pierre sur laquelle il avait dormi et dit : “Cette pierre sera une maison de Dieu” (Gen 28). Dans la liturgie chrétienne, l’épisode symbolise la dédicace d’une église. A Saint-Jacques, il évoque en plus un troisième saint patron de l’église : aux apôtres Jacques le Mineur, premier patron, et Jacques le Majeur (dont l’église acquit des reliques en 1056), s’ajoute le patriarche Jacot (Jacques, en hébreu). Très subtilement agencée, la façade porte les germes de l’art baroque.

Restes du jubé érigé en 1602 par l’abbé Martin Fanchon (1594-1611), les deux autels placés au fond des nefs ont une importance capitale pour l’étude de l’art liégeois des années 1600.

Aux confins de deux siècles, ils sont aussi à la charnière de deux mondes, celui de la Renaissance et celui du Baroque.

De 1682 à 1690, Jean Del Cour crée à Saint-Jacques un ensemble triomphal : sept statues plus grandes que nature, sculptées dans le tilleul et peintes à l’imitation du marbre blanc. Parmi elles, un chef-d’oeuvre : saint Jacques le Mineur, figure extatique, vibrante jusque dans la draperie.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, partage, correction et iconographie | source : Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © flickr.com ; © dp ; © pinterest.com.


A Liège, encore…

LIEGE : Saint-Jean l’Evangéliste, l’église de Notger

[d’après VISITEZLIEGE.BELa collégiale fut fondée vers 980 par le premier prince-évêque Notger, qui s’y fit inhumer. Le plan de l’église s’inspire de la chapelle palatine de Charlemagne, aujourd’hui cathédrale d’Aix-la-Chapelle. L’édifice subsista jusqu’en 1754, époque à laquelle il fut rasé pour être remplacé par l’église actuelle. Seules la tour et certaines parties du cloître sont antérieures. De style roman, la tour abrite un carillon de 35 cloches. Le cloître, quant à lui, est un mélange des XVIe, XVIIIe et XIXe siècles. Il compte de nombreuses pierres tombales anciennes, dont certaines du XVe siècle. Mystère liégeois, l’emplacement de la sépulture de Notger est toujours inconnu. À l’intérieur, la Vierge de Saint-Jean (Sedes Sapientiae) et le calvaire constituent de beaux témoignages de la sculpture du XIIIe siècle.

Adresse : Place Xavier-Neujean, 9 à 4000 Liège

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L’ÉGLISE DE NOTGER

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Deuxième jalon du peuplement de l’Ile, Saint-Jean est l’oeuvre de Notger (972-1008). C’est dans ce “domaine du vent et de l’eau, des fourrés broussailleux et des bas prés transformés en marécages à chaque crue” (M. Josse) que le prince-évêque fonde, vers 981, cette nouvelle collégiale. Il en surveille la construction qu’il finance personnellement. Il aime y séjourner, car il trouve là le repos et cette tranquillité de l’esprit propice à l’étude et à la réflexion. C’est à Saint-Jean qu’il choisit d’être inhumé.

UNE FONDATION EXPIATOIRE POUR UNE RUSE SACRILÈGE ?

Dès le XIIIe siècle, cette version des origines de la collégiale a fait foi. Formidable citadelle toute proche de Liège, Chèvremont au Xe siècle est un foyer de sédition contre la dynastie ottonienne et une menace constante pour la cité épiscopale. Notger l’assiège victorieusement en 987. Voilà pour la réalité historique. Mais la légende demeure de Notger qui, sous prétexte de baptême, s’introduit dans la place forte en compagnie de soldats déguisés en ecclésiastiques, la prend sans encombre et la fait raser. Stratagème sacrilège, doublé d’un geste impie : parmi les constructions détruites, on compte trois églises dont une est placée sous le vocable de Saint-Jean l’Evangéliste.

LA FONTE A LA CIRE PERDUE

Sculptez votre modèle en cire. Enrobez-le soigneusement d’argile. Laissez sécher. Passez au feu. Votre forme se vide alors de la cire (perdue). Vous pouvez la remplir de laiton fondu. Laissez refroidir. Enlevez l’argile. Il vous reste à polir votre oeuvre au sable fin et à la recouvrir d’une mince pellicule d’or.

CINQ SCÈNES ET UN THÈME UNIQUE : LE BAPTÊME

Le baptême du philosophe Craton par Jean l’Evangéliste, symbole de l’ouverture de l’Eglise au monde grec, “aux gentils” de toutes les nations. Dans chaque scène, le personnage principal est de taille légèrement supérieure à celle des autres © J. Mascart.

La paroi lisse de la cuve cylindrique présente cinq scènes en haut relief, liées entre elles par une ligne de sol ondulée et séparées par des arbres stylisés. Gravées dans le fond nu, des inscriptions en éclairent le sens. Le baptême du centurion Corneille par saint Pierre, celui (légendaire) du philosophe Craton par Jean l’Evangéliste, la prédication du Baptiste dans le désert et le baptême des néophytes encadrent la scène centrale : le baptême du Christ dans le Jourdain.

LA SYMBOLIQUE DES DOUZE BOEUFS

Ils étaient douze à l’origine à supporter la cuve. Douze comme les boeufs qui portaient la Mer d’airain sur le parvis du temple de Salomon à Jérusalem (1 Rois, 7, 23-26). Douze comme les apôtres chargés de répandre la bonne nouvelle à travers le monde et de le purifier par le baptême.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, partage, correction et iconographie | source : Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © flickr.com ; © dp ; © A. Henry de Hassonville.


A Liège, encore…

LIEGE : la collégiale Sainte-Croix, Liège sous la protection de la croix

[d’après VISITEZLIEGE.BECette ancienne collégiale a été fondée en 979 par l’évêque Notger. De la construction originelle subsisterait un pan de mur en grès. Le choeur occidental, romano-gothique (fin XIIe, début XIIIe siècle), contient une Invention de la sainte Croix de Bertholet Flémal (XVIIe siècle). L’abside orientale date du XIIIe siècle, les nefs sont du XIVe siècle et les chapelles latérales du XVe siècle. Ses trois nefs d’égale hauteur en font une des rares églises du type halle dans nos régions.

Adresse : Rue Sainte-Croix, 1 à 4000 Liège

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Liège sous la protection de la croix

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L’endroit est stratégique : sur l’éperon du Publémont, entre Saint-Pierre et Saint-Martin, il contrôle les vallées de la Légia et de la Meuse. “Sous le prétexte de défendre toute la ville… contre les pièges de l’ennemi, un homme très puissant par les armes” s’était proposé d’y construire une “fortification pernicieuse” (Anselme, v. 1050).
Embarrassé par le projet de ce puissant personnage – dans lequel on reconnaît le duc de Basse-Lotharingie-, Notger, qui veut être seul maître à bord, ruse et engage son grand-prévôt et archidiacre Robert à fonder une nouvelle collégiale sur l’emplacement convoité.
Dédiée à la sainte Croix, celle-ci sera consacrée un 23 octobre (986?).

HÉLÈNE ET CONSTANTIN

Née en Bithynie vers 250, sainte Hélène doit sa popularité à la découverte de la vraie Croix qu’elle fit lors d’un voyage en Palestine (327). Elle éleva la basilique de la Nativité sur l’emplacement de la grotte de Bethléem et le temple de la Résurrection sur le Saint-Sépulcre. A Rome, elle avait fait construire la basilique de la Sainte-Croix. Elle était particulièrement honorée en Allemagne rhénane et en France. Son fils Constantin (274-337), fondateur de Constantinople (vers 330), fut le premier empereur chrétien. Vainqueur de Maxence (312), il promulga l’Edit de Milan (313) qui autorisait l’exercice public du culte chrétien. Il participa au concile de Nicée qui condamna l’hérésie d’Arius et formula le dogme de la Trinité.

UNE RELIQUE DE LA VRAIE CROIX

Selon une tradition séduisante mais très hypothétique, cette relique insigne fut offerte par Robert II de France (996-1031) au roi de Germanie Henri II (1002-1024), qui la donna à Sainte-Croix en 1006. Le fragment du bois de Vie (Lignum Vite), conservé dans une staurothèque (reliquaire abritant un fragment de la Croix) ottonienne, a été enchâssé au XIIe siècle dans un triptyque, forme courante à cette époque pour les croix-reliquaires en région mosane. Il est au centre d’une scène qui évoque le Jugement des Justes : c’est par la Croix que les morts auront part à la vie éternelle lors du Jugement dernier.

UN CHEF-D’OEUVRE EN PERIL

De toutes les églises liégeoises, Sainte-Croix est la plus menacée : dans un quartier mutilé, c’est une église presque sans paroissiens. Défigurée par les briques de laitier, son abside occidentale est pourtant unique en Belgique. Bâti vers 1225 dans un style déjà gothique, cet ultime témoin du thème du contre-choeur reproduit des formules chères à l’architecture rhénane.

Philippe Bruni, le “bon doyen” (1324-1361), consacra toute son énergie à poursuivre la reconstruction de la collégiale. Dans le vaisseau, les trois nefs sont d’égale hauteur : ce type d’architecture (Hallenkirche), germanique lui aussi, est exceptionnel en Belgique.

Dans le choeur rebâti vers 1250, quelques stalles aux miséricordes finement sculptées. Avec les stalles de Saint-Jaques, ce sont les seules conservées à Liège pour le XIVe siècle.

Dans les chapelles construites au début du XVe siècle entre les contreforts, les écoinçons profondément entaillés sont peuplés d’animaux fantastiques, de têtes d’homme encapuchonnées et de savoureuses scènes hagiographiques.

Le miracle du pied coupé (écoinçon en pierre, v. 1420) © A. Henry de Hassonville

Eloi, patron des orfèvres et des forgerons, fut le conseiller et le trésorier de Clotaire II et de Dagobert I. Evêque de Noyon, il avait une manière toute personnelle de ferrer les chevaux : afin de ferrer plus aisément un cheval rétif, Eloi coupe le pied de l’animal, ferre le sabot et replace le pied.

CURIOSITÉ ARCHÉOLOGIQUE

De tous les monuments funéraires liégeois, celui du chanoine Hubert Mielemans est le plus singulier. Parmi de nombreux emblèmes et figures symboliques, il montre des hiéroglyphes. Témoins de la curiosité d’un chanoine érudit pour la science archéologique, ces signes attestent aussi une volonté d’originalité jusque dans la mort.

HUBERT, UN SAINT EN EXIL

Peu de saints auront connu autant de voyages posthumes ! Mort à Tervuren (727), Hubert est ramené dans la cité épiscopale pour être inhumé dans la crypte de la collégiale Saint-Pierre qu’il avait fondée. Un repos de courte durée : en 793, son corps est déposé dans un nouveau cercueil au pied du maître-autel. En 825, le voilà transféré à Andage en Ardenne, la future Saint-Hubert, dont on l’éloigne prudemment à chaque danger. Et cela jusqu’à la fin du XIe siècle. Les voyages des reliques reprendront après l’incendie de l’abbatiale par les Huguenots (1568). De cachette en cachette, jusqu’à leur disparition… Liège, qui avait perdu déjà le corps de saint Hubert, patron de la ville, vit disparaître aussi, au début du XIXe siècle, la collégiale Saint-Pierre et la paroissiale Saint-Hubert. C’est dans la collégiale Sainte-Croix qu’allait désonnais être entretenue la flamme du souvenir.


Saint-Nicolas-aux-Mouches, la plus petite église paroissiale de Liège, est aussi la plus ancienne (1030) église de Lotharingie placée sous le vocable de l’évêque de Myre. Aux-Mouches : suite à une épidémie de peste enrayée, à Liège, grâce à l’intercession de saint Nicolas. Longtemps habitée par le sculpteur Jean-Joseph Halleux, elle forme avec les maisons voisines l’un des coins les plus pittoresques de Liège. (Cliché A. Henry de Hassonville)


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, partage, correction et iconographie | source : Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © flickr.com ; © dp ; © A. Henry de Hassonville.


A Liège, encore…

LIEGE : la collégiale Saint-Paul ; Eracle, premier promoteur immobilier de l’île

[d’après VISITEZLIEGE.BEC’est sous l’épiscopat d’Éracle que fut fondée l’église Saint-Paul à la fin du Xe siècle. Elle fut reconstruite dans le style gothique à partir du XIIIe siècle. À la fin du XIVe siècle, presque l’intégralité de l’église était réédifiée à l’exception du cloître, édifié entre le XVe et le XVIe siècle, et de la tour. Cette dernière, commencée à la fin du XIVe siècle était encore inachevée lorsque la Révolution de 1789 éclata. En 1803, alors que la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert n’était plus qu’un vaste champ de ruines, Saint-Paul fut élevée au rang de cathédrale à la suite du Concordat. C’est peu après cet événement que le clocher fut terminé. Par sa forme, il évoque celui de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert disparue. L’église a conservé de nombreuses œuvres remarquables dont des vitraux du XVIe siècle ou encore le magnifique Christ gisant de Jean Del Cour daté de 1696. L’intérêt de la cathédrale ne se limite pas à la seule église, le cloître mérite aussi le détour. Outre de nombreuses pierres tombales dont celles d’anciens princes-évêques, il abrite également le Trésor de Liège.

Adresse : 98 rue Charles Magnette à 4000 Liège

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Eracle, premier promoteur immobilier de l’île

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Développer une cité, c’est d’abord lui donner des possibilités d’extension. L’évêque Eracle (959-971) en est conscient. Son choix se porte sur l’Ile, vaste terre marécageuse et inhospitalière qui s’étend entre les deux bras de la Meuse. Entre 965 et 971, il fonde la collégiale Saint-Paul en un lieu, dit la légende, indiqué par une chute de neige… en plein juillet. Cette nouvelle institution, dotée d’un domaine de douze hectares, est le premier agent du peuplement rapide de l’Ile. Un nouveau quartier va naître à proximité du centre de la Cité. D’autres établissements religieux s’y implantent -la collégiale Saint-Jean, l’abbaye bénédictine de Saint-Jacques, de nombreux couvents- entraînant l’installation de laïcs dans leur voisinage. L’abondance de l’eau, indispensable à l’industrie, attire les artisans, et le commerce se développe dans ce lieu de passage obligé vers Avroy, Saint-Gilles et les terres de Bêche. En 1050, les deux ponts d’ile et d’Avroy sont en place. Quatre paroisses desserviront une population toujours croissante : Saint-Martin-en-Ile (près de Saint-Paul), Saint-Adalbert (près de Saint-Jean l’Evangéliste), Saint-Remy (près de Saint-Jacques) et Saint-Nicolas-au-Trez (Vertbois).

UNE GRANDE ÉGLISE GOTHIQUE…

D’est en ouest, par tranches successives, la collégiale romane cède place à l’édifice gothique. La reconstruction, entreprise vers 1232 côté choeur, s’achèvera côté tour deux siècles plus tard. L’ampleur du volume intérieur, la pureté des lignes, la sobriété du décor sculpté font de SaintPaul l’un des plus beaux monuments gothiques de notre pays. Le choeur profond terminé par trois absides polygonales (début du XIVe siècle) ouvre sur le transept large mais non saillant. Le vaisseau à trois nefs longues de sept travées est encore élargi par les onze chapelles latérales.

…RESTAURÉE A L’ÉPOQUE ROMANTIQUE

Pour qui découvre Saint-Paul de l’extérieur, la belle sobriété du style gothique primaire n’est pas évidente. Sa physionomie s’est modifiée. A l’ouest, la tour a été surhaussée en 1811 d’un étage coiffé d’une haute flèche et de quatre clochetons rappelant la silhouette de la tour de l’ancienne cathédrale. L’horloge et le carillon de Saint-Lambert y sont logés. Au nord, la façade a fait l’objet, dès 1850, d’une complète restauration qui a abouti à un véritable embellissement décoratif. Nés de l’imagination de notre Viollet-le-Duc liégeois, galeries, pinacles et crochets sont venus surcharger l’architecture primitive. Le même Delsaux affirmait pourtant “la main de l’architecte restaurateur doit être imperceptible !

Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut ne jamais avoir existé.

E. Viollet-le-Duc (1856)

VERS LES TEMPS MODERNES

1468. C’est “l’année où Liège périt” par le feu et le sang, victime du Bourguignon. C’est aussi la fin d’un monde, le Moyen Age. Un monde nouveau va naître, celui de la Renaissance. Dans l’art, la tradition fait mieux
que résister, produisant des “réalisations spectaculaires qui prolongent, en plein XVIe siècle, la splendeur d’une époque révolue” (J. Stiennon). Le plus souvent entre l’ancien et le moderne, le compromis s’installe. Un dernier témoin de la survivance du style gothique au XVIIe siècle. Offerte en 1643 par le doyen Paul Simonis, la double porte en laiton, oeuvre d’un fondeur de Dinant, Pierre Chaboteaux, fermait jadis l’entrée du choeur. Elle a été conçue pour s’intégrer harmonieusement dans un jubé ancien d’allure gothique. Ceci explique la présence de l’arc brisé et trilobé dans un décor mi-Renaissance mi-Baroque.

LA NOUVELLE CATHEDRALE DE LIEGE

Septembre 1797. La collégiale a vécu. Son chapitre est supprimé. Les biens meubles et immeubles sont nationalisés et vendus. L’église est convertie en abattoir et en boucherie. Novembre 1802. Saint-Paul est rendue au culte. Mais celle qui succède à l’illustre cathédrale Saint-Lambert a perdu beaucoup de ses trésors anciens. Les efforts répétés du nouveau chapitre cathédral (huit chanoines titulaires, portés à douze en 1842, plus un nombre variable de chanoines honoraires) et l’arrivée de “chefs-d’oeuvre déplacés” lui rendront son ancienne magnificence.

DE REMARQUABLES FIGURES DU CHRIST…

La présence du crucifix à l’entrée du choeur s’est généralisée dans tout l’Occident chrétien dès le Moyen Age. Souvent encadré de la Vierge et de saint Jean, parfois même d’autres témoins du Golgotha, le Christ en croix surmonte la clôture qui sépare le clergé officiant dans le choeur des laïcs en prière dans les nefs.

La première oeuvre connue -et l’une des plus parfaites- du sculpteur Jean Del Cour (1631-1707). Coulé dans le bronze par Perpète Wespin de Dinant en 1663, le Christ se dressait sur le Pont-des-Arches. Il a gardé, à l’épaule droite, les marques du bombardement de Liège par les Français en 1691.

L’un des plus beaux gisants de la sculpture européenne, le Christ mort (1696) de Jean Del Cour © Service des Affaires culturelles de la Province de Liège

Un tel cadavre ne donne pas l’impression de la mort, il est proche d’une glorieuse résurrection et s’il porte les marques de la crucifixion, si les pieds en gardent encore la crispation, rien n’en altère la majesté” (R. Lesuisse). Cette émouvante figure du Christ ornait le monument funéraire des époux Walthère de Liverlo et Marie d’Ogier au couvent des sépulchrines dit des Bons Enfants.

…de la Vierge…

Vierge assise à /’Enfant (v. 1230). Chêne sculpté et polychromé (H. 129) © Musée d’Art religieux et d’Art mosan, à Liège

La Vierge assise à l ‘Enfant porte le nom latin de Sedes Sapientiae : Marie trônante est elle-même le Siège (Sedes) de la ·Sagesse (Sapientiae), c’est-à-dire l’Enfant Dieu. La Sedes est l’un des thèmes favoris des sculpteurs mosans des XIe, XIIe et XIII siècles. Celle-ci se distingue de ses soeurs par l’allongement de la silhouette. Elle provient d’une église paroissiale disparue : Saint-Jean-Baptiste en Féronstrée. Le choeur oriental de la cathédrale Saint-Lambert était dédié à la Vierge. Pour orner le maître-autel “le plus riche et le plus magnifique … et le plus dispendieux qui soit dans les pays d’alentour“, l’archidiacre Lambert de Liverlo fit appel au plus doué des peintres liégeois, Gérard de Lairesse (1640-1711). Quand la toile arriva d’Amsterdam – Lairesse y vivait depuis plus de 20 ans, chassé de Liège à la suite d’une fâcheuse aventure -, d’aucuns lui reprochèrent d’être par trop profane.

…et du Diable

L’Ange déchu (1842) par Joseph-Germain Geefs © Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique – G. Cussac

La troublante beauté de cet adolescent est l’image même de la tentation. Mais la réalité peut être subversive. Les chanoines de Saint-Paul écartèrent cet ange déchu au profit d’un Lucifer tourmenté, plus proche de la tradition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est ce dernier que le visiteur découvre au pied de la chaire de vérité, spectaculaire réalisation en chêne et en marbre du sculpteur bruxellois Guillaume Geefs (1838-1848) :

DANS LE CLOÎTRE GOTHIQUE (1445-1535), LE PLUS FABULEUX DES  TRESORS LIEGEOIS

L’ivoire des trois résurrections

Il fait partie du groupe des ivoires liégeois à petites figures et il charme par son caractère narratif. Il doit être lu en boustrophédon (de gauche à droite, puis de droite à gauche, puis à nouveau de gauche à droite). Il montre le Christ, suivi de disciples ressuscitant la fille de Jaïre, le fils de la veuve de Naïm et Lazarre.

La Vierge Hodegetria

Hiératique et portant l’Homme-Dieu, la Vierge Conductrice (Hodegetria) est l’un des types de prédilection de l’art byzantin. Celle-ci, qui appartenait au trésor de Saint-Lambert, fit partie de l’exposition solennelle des reliques en 1489.

Le reliquaire de Charles le Téméraire
Le Téméraire, bourreau de Liège, présenté par saint Georges, patron de la chevalerie. OEuvre de l’orfèvre lillois, Gérard Layet (1466) © Musée d’Art religieux et d’Art mosan, à Liège

Offert en 1471 en expiation du sac de Liège (1468), cet admirable joyau contient un doigt de saint Lambert.

Le buste-reliquaire de saint Lambert

Dernier des grands chefs-d’oeuvre d’orfèvrerie religieuse du Moyen Age. Commandé par le prince-évêque Erard de la Marck, habile politique et mécène fastueux, il est l’ oeuvre de l’orfèvre aixois Hans von Reutlingen (1508-1512). Parce qu’il abrite le crâne du saint patron du diocèse, il a été, jusqu’à la Révolution, le trésor le plus insigne de la cathédrale Saint-Lambert. Sauvé de justesse, il a été rendu aux Liégeois par Bonaparte en 1803.


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A Liège, encore…

CERFONTAINE : la carrière de Beauchâteau

Située sur le dernier contrefort calcaire avant la dépression de la Fagne, au cœur du massif forestier de Cerfontaine, la carrière de Beauchâteau constitue un témoignage remarquable du patrimoine géologique et industriel régional. Probablement exploitée dès le XVIIIe siècle, elle connut, au siècle suivant, un essor considérable grâce à l’introduction de techniques novatrices.

C’est en 1874, sur ce site précisément, que fut employé pour la première fois en Belgique le fil hélicoïdal, une méthode révolutionnaire dans l’extraction du marbre. Son efficacité marqua un tournant décisif, remplaçant peu à peu le labeur exigeant des rocteurs, ces ouvriers spécialisés qui, à force de bras, creusaient une tranchée autour du bloc, le sapaient à sa base, puis le faisaient basculer.

© Stéphane DADO

Un bâtiment industriel subsiste encore aujourd’hui à l’entrée du site, dans un état de délabrement affligeant : il abritait la machine à vapeur, élément essentiel de cette exploitation mécanisée, chargée de l’évacuation des eaux d’exhaure et de l’animation du fil hélicoïdal. Celle-ci prit fin en 1950, laissant place à un site singulier dont la morphologie, à flanc de coteau, contraste avec les carrières en fosse plus répandues dans la région. Cette implantation particulière confère à Beauchâteau une silhouette aussi insolite que spectaculaire, dominée par des parois abruptes, lisses et sciées, empreintes visibles d’une extraction intensive.

Le sous-sol de Beauchâteau recèle des roches sédimentaires formées il y a quelque 350 millions d’années. C’est de cette matrice ancienne qu’est issu un marbre aux nuances rouge et gris, connu sous le nom de Rouge Royal Poité. Ce matériau noble, prisé pour sa texture et sa teinte, fut exporté bien au-delà des frontières belges. On le retrouve notamment chez nous dans les soubassements restaurés de l’hôtel de ville d’Anvers.

Classé depuis 1992 et propriété de la commune de Cerfontaine, le site constitue aujourd’hui un repère patrimonial majeur, à la croisée de l’histoire industrielle, de la géologie et de l’esthétique architecturale. Il sert aussi d’étape dans les circuits touristiques à proximité des lacs de l’Eau d’Heure. Qualifié de site de grand intérêt biologique, on y voit voler le joli citron, un papillon de jour de la famille des piérides.

Stéphane DADO

C’est où ?

© Groupe Spéléo Centre Terre

Les coordonnées : 50.160158, 4.485211.

LIEGE : L’ancien palais des princes-évêques et des états du pays de Liège (extraits, 1980)

Avant de devenir le siège du Gouvernement provincial et d’abriter quelques-uns des hauts magistrats du Royaume, le Palais des Princes-Evêques a connu de nombreux avatars dus à l’action d’hommes qui furent illustres ou anonymes, inspirés par le désir de réaliser un ouvrage prestigieux ou contraints par les vicissitudes d’une histoire principautaire aussi riche que tourmentée.

Aujourd’hui, cette étonnante création architecturale constitue sans doute le plus éclatant témoignage de la pérennité liégeoise.

J’ose espérer que la diffusion de la présente brochure, réalisée grâce à l’active collaboration du Ministère des Travaux publics et de la Province de Liège, contribuera un tant soit peu à rendre moins fugace l’inévitable envoûtement que ce vénérable monument exercera sur tous ceux qui, dès 1980 et grâce au Millénaire de la Principauté, auront enfin la chance de le visiter plus systématiquement.

Gilbert MOTTARD, Gouverneur de la Province de Liège


Synthèse historique

Au temps de l’évêque Hartgar (Xe siècle), le moine irlandais Sédulius nous décrit la résidence de l’évêque comme une demeure somptueuse. Elle possède une tour de cent coudées, le toit est revêtu d’or, les fenêtres sont garnies d’une substance vitrée que le soleil pouvait traverser. A l’intérieur les murs sont peints de couleurvives représentant des scènes du Nouveau Testament.

Les incursions des Normands ruinèrent sans doute la “principale maison de l’évêque” car nous voyons Eracle (fin du Xe siècle), établir son palais dans un lieu fortifié près de la collégiale Saint-Martin au sommet du Publémont.

Lors du règne de Notger (972-1008), Liège va prendre une rapide extension et les églises construites sous l’impulsion du Prince-Evêque vont donner à la ville la disposition générale qu’elle conservera jusqu’à la fin de l’ancien régime. Cette fois, l’auteur de la Vita Notgeri parle d’un palais intégré dans le système défensif de la cité. Ce bâtiment tient de la forteresse et de l’exploitation domaniale, répondant ainsi à un rôle qu’il jouera pendant tout le Moyen Age.

En 1185, un incendie allumé par la foudre détruisit la cathédrale et le palais proche. C’est le prince-évêque Raoul de Zahringen qui le fit reconstruire et dans la vue de cet édifice éditée par Blaeu en 1 649, on remarque à la façade vers la place Saint-Lambert une construction romane qui paraît antérieure à la construction gothique du palais d’Erard de la Marck. Il pourrait s’agir d’un vestige du bâtiment du XIIe siècle.

Lors des événements tragiques de la seconde moitié du XVe siècle, guerre d’indépendance contre les ducs de Bourgogne (1465-1468), occupation bourguignonne (1468-14 7), guerre civile (1482-1492), le palais maintes fois pillé devient inhabitable. Le dernier évêque du Moyen Age, Jean de Hornes, cesse d’y résider et l’incendie ravage, en 1505, les bâtiments abandonnés.

En 1506, Erard de la Marck monte sur le trône épiscopal et bâtit le palais que nous connaissons aujourd’hui. Organisé en fonction de trois cours – la troisième a disparu au XIXe siècle – lI reprend certainement le plan médiéval et bien qu’il soit gothique, il apparaît, dans sa construction et sa décoration, largement tributaire de l’art français et de l’art italien de l’époque.

En effet, la disposition des bâtiments de la première cour évoque l’aile construite sous Louis XII au château de Blois, les cannelures des colonnes, celles du château de Gaillon et les tirants de fer disposés perpendiculairement à la galerie de la cour d’honneur se retrouvent à Pavie, Milan et Florence.

La décoration sculptée, si elle est encore tributaire du fantastisque médiéval, présente néanmoins des images qui s’inspirent des œuvres et de l’esprit des humanistes de la Renaissance.

Une autre source d’inspiration contemporaine apparaît dans les nombreuses têtes d’indiens emplumés connues par les masques, dessins et costumes offerts à Charles-Quint et à Marguerite d’Autriche par les explorateurs du Nouveau-Monde.

Le palais subira quelques modifications jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. En 1734, l’aile méridionale fut détruite par un incendie et Georges Louis de Berghes fit reconstruire par Jean-André Anneessens, en style classique, la façade actuelle. Les lucarnes gothiques et le premier étage des ailes ouest et est de la première cour seront abattus et réédifiés progressivement de 1734 à 1766 en style classique. Velbrück (1772-1784) voudra rendre certaines salles du palais plus agréables en agrandissant des fenêtres et en supprimant les épaisses croisées de pierre qui obscurcissaient les pièces.

Lors de la Révolution, après les pillages de 1793, le palais fut laissé à l’abandon. S’opposant à la proposition d’en faire une caserne, l’administration d’arrondissement y logea l’administration régionale et les juridictions créées par la République.

Le préfet Desmousseaux installa la préfecture dans l’hôtel de Hayme de Bomal au quai de Maastricht où elle restera jusqu’en 1831, tandis que les bureaux du département gagnaient l’hôtel Curtius.

Le palais ne conservait donc que des fonctions judiciaires.

La troisième cour servait de préau à une prison pour femmes et pour vagabonds, et dans la première cour, les bouquinistes et les fripiers avaient dressé leurs échoppes sous les galeries où déjà ils s’étaient établis au début du XVIIe siècle.

L’administration départementale, devenue provinciale changea plusieurs fois de siège de réunion. Quand l’hôtel Curtius fut repris par le Mont de Piété, elle émigra vers la rue Hors-Château, de là elle passa à l’ancien couvent des Bons Enfants. Après l’incendie de celui-ci en 1845, elle dut s’installer dans le vaste immeuble que Cockerill avait fait construire place de l’Université. La Députation permanente y tenait aussi ses séances tandis que le Conseil provincial se réunissait dans les bâtiments de l’Université. Le Gouverneur ne conservait qu’un bureau dans l’immeuble de la place Cockerill.

Depuis l’indépendance, la propriété du palais faisait l’objet d’un litige entre la Province et l’Etat, de sorte que la décision de restaurer le bâtiment ne pouvait être prise par aucun de ces pouvoirs.

Ce n’est qu’en 1844 qu’interviendra l’arrêt de la Cour de Cassation qui, choisissant définitivement la thèse des autorités centrales permit à celles-ci de prendre leurs responsabilités en assumant les charges de propriétaire.

Les autorités et services provinciaux désiraient revenir au palais et, après de longues discussions, la Députation permanente se prononça pour la construction d’un Palais provincial face à la future place Notger. Il abrite-rait les appartements du gouverneur et l’administration.

Pour cet édifice, un concours fut institué et Charles Delsaux obtint le prix. Le jeune architecte est préoccupé par le souci, nouveau à l’époque, de restaurer le bâtiment dans le style primitif. Il démolit donc l’aile des Etats construite au XVIIIe siècle dans un style qui lui semble détruire l’unité du palais d’Erard, et il lui substitue une construction inspirée du XVIe siècle qui tente de combiner une pensée “moderne” avec des éléments gothiques. La construction de cette aile nouvelle à l’ouest de la première cour, l’obligea à restaurer la façade du côté de la cour. II remplacera les barbacanes du XVIIIe siècle par des lucarnes gothiques. Dans la suite, le travail de restauration de la cour sera continué par Léopold Noppius, sculpteur et architecte.

Le roi Léopold Ier vint poser la première pierre de ce bâtiment en 1849. En 1853, le Conseil provincial siégeait dans la salle néogothique qui lui était réservée tandis que le gouverneur avait occupé ses appartements dès 1852. Le restant du palais abritait trois administrations distinctes : Justice, Finances, Archives de l’Etat.

La Justice, qui se trouvait ainsi à l’étroit étendit ses bureaux dans un bâtiment construit par l’architecte Godefroid Umé à front de la rue Sainte-Ursule où les maisons appuyées sur le palais furent démolies. Umé dessina cette façade dans le style classique de celle qu’il prolongeait. Ces travaux l’amenèrent à restaurer fidèlement l’aile méridionale de la deuxième cour qui formait la façade intérieure des bâtiments de la rue Sainte-Ursule.

En 1880, la province se préparait à fêter le cinquantenaire de la Belgique ; aussi, en 1878, un arrêté ministériel chargea le Gouverneur de présider la commission qui devait mettre au point le choix des personnages, des reliefs et des blasons retenus pour décorer la façade du Palais provincial. Ces sculptures furent terminées en 1887.

Quelques travaux furent encore entrepris en 1905 à l’occasion de l’Exposition internationale mais on devra attendre l’année 1962 pour qu’une campagne systématique de restauration soit entreprise par le Ministère des Travaux publics.

Elle durera jusqu’en 1978. Le palais tout entier fut consolidé, les pierres altérées des colonnes remplacées et resculptées, et le ravalement des façades extérieures et intérieures en 1975 révéla aux yeux de tous un nou-veau palais, animé par l’alternance de pierres de teintes différentes où la lumière joue.

M. NICOLAS, Conservatrice honoraire à l’ULiège


© visitezliege.be

La façade de la place Saint-Lambert (sud)

Sa section de style classique fut construite après l’incendie de 1734, sous le règne de Georges-Louis de Berghes (1724-1743) dont les armoiries ont été reconstituées au fronton. L’architecte choisi était Jean-André Anneessens, fils du célèbre doyen des métiers de Bruxelles décapité en 1719. A gauche du portail, l’ancien Hôtel des Etats, actuel Palais provincial. A droite, le palais de Justice. L’aile néogothique de celui-ci a été édifiée de 1868 à 1870 par l’architecte Godefroid Umé.

G.-L. de Berghes fut sans doute une des personnalités les plus attachantes de l’histoire principautaire. N’ayant jamais demandé aucun impôt au peuple, c’est sur sa cassette personnelle qu’il préleva notamment les deniers nécessaires à la reconstruction du château de Seraing. Il laissa cependant à sa mort une succession assez considérable ; or, son testament avait été rédigé de la façon suivante : “J’institue mes chers frères, les pauvres de la Cité de Liège, mes légataires universels.

© walloniebelgiquetourisme.be

La façade occidentale

Cette façade fut édifiée vers 1850 par Jean-Charles Delsaux, dans le style d’Erard de la Marck. A la fin du XIXe s., on l’orna des armoiries des Bonnes Villes et des grandes subdivisions territoriales du Pays de Liège, des blasons des trente-deux Bons Métiers de la Cité, de dix-neuf bas-reliefs rappelant quelques événements marquants de l’Histoire liégeoise, ainsi que de quarante-deux statues représentant des personnages historiques ou légendaires, dont le nom peut être rattaché d’une manière ou d’une autre à celui de la Principauté. Parmi ces derniers, on peut notamment épingler : Ambiorix (chef des Eburons) ; Jean d’Outremeuse (chroniqueur liégeois du XIVe siècle) ; Pépin de Herstal, son fils Charles Martel et le petit-fils de celui-ci, Charlemagne ; Pierre l’Ermite et Godefroid de Bouillon ; Saint-Lambert et Saint-Hubert (tous deux furent évêques de Tongres ; Lambert ayant été assassiné à Liège vers 705, Hubert fit ramener ses reliques à l’endroit de son martyr, et lui consacra une église) ; Notger ; Lambert Lombard (nos anciens billets de 100 BEF ont popularisé les traits de celui qui fut le peintre liégeois le plus célèbre de la Renaissance) ; Erard de la Marck.

© liege.onvasortir.com

La première cour

L’habile jeu des perspectives permet à l’ensemble de suggérer une impression “de parfaite unité, de discipline savamment étudiée“, alors que les soixante colonnes que compte le péristyle sont toutes différemment ornementées. Remarquablement restaurée – notamment, depuis 1965, par la Régie des bâtiments, sous les auspices des différents ministres des Travaux publics – cette cour a conservé l’apparence qu’avaient conçue Erard de la Marck, qui fut plus qu’un mécène, et son architecte Arnold Van Mulcken. En combinant “survivances médiévales et emprunts à la Renaissance“, ils concrétisèrent étonnamment l’union de deux cultures, de deux univers que le temps et l’espace pourtant séparaient : le Moyen Age de l’Europe septentrionale et l’Italie du Quattrocento. Sur la plupart des colonnes, on découvre des masques grimaçants entourés de feuillage, ainsi que des têtes de fous et des marottes de bouffons. Cette iconographie est sans doute due à l’influence qu’eurent sur Erard de la Marck des ouvrages comme La Nef des fous de Sébastien Brant et l’Eloge de la Folie d’Erasme. Notons par ailleurs le résultat d’une amusante coquetterie : sur une des colonnes de la façade ouest – la sixième, de droite à gauche – est sculpté le visage de J.-C. Delsaux, l’architecte qui dirigea les travaux de restauration au XIXe s.

© mercatorfonds.be

La seconde cour

Le jardin français et la pièce d’eau font de cette cour injustement méconnue des Liégeois un lieu moins austère, plus intime que ne l’est la première. Les galeries des ailes nord et sud datent du XVIe siècle. On ne pourra qu’admirer, à la gauche de l’aile sud, une méridienne du XVIIIe siècle, très opportunément restaurée et embellie.

© Ministère des travaux publics

Plan de l’ancien Palais (1949)

      1. Hall d’entrée
      2. Salle des pas-perdus
      3. Salle de la Députation permanente
      4. Salle du Conseil provincial
      5. Salle des gardes
      6. Salon Louis XV
      7. Hall d’entrée des salles de réception du Gouverneur
      8. Salle à manger
      9. Salon d’Audenaerde
      10. Salon lambrissé
      11. Salon d’Achille
      12. Quatrième salon
      13. Chambre de la Reine
      14. Cabinet du Procureur général
      15. Cabinet des Avocats généraux
      16. Escalier d’honneur
      17. Cabinet du premier président de la Cour d’Appel
      18. Grande galerie
      19. Salle des délibérations du jury de la Cour d’Assises
      20. Salle du Conseil de l’Ordre des Avocats
      21. Cabinet du Bâtonnier
      22. Bureau des Premiers substituts du Procureur du Roi
      23. Cabinet du Procureur du Roi
      24. Cabinet du Secrétaire du Procureur du Roi
      25. Cabinet du Président du Tribunal
      26. Salle d’audience A.
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LIEGE : la collégiale Saint-Martin-en-Mont, cathédrale éphémère, forteresse sacrée, une fondation détournée

[d’après VISITEZLIEGE.BE] Ancienne collégiale fondée au Xe siècle, incendiée en 1312. La nouvelle tour carrée, visible depuis de nombreux points de vue de la ville, a été achevée vers 1410. Dans le choeur et le vaisseau gothiques du XVIe siècle, vous pouvez admirer un calvaire du début du XVIe siècle, le mausolée d’Eracle, une belle statue de Notre-Dame de Saint-Séverin en bois polychrome (XVIe siècle, la chapelle du Saint-Sacrement et, ornée de médaillons de Del Cour (XVIIIe siècle) ainsi que des vitraux remarquables du XVIe siècle. A voir également, la chaire de vérité du début du XVIIIe siècle, les souvenirs de la Fête-Dieu, un magnifique maître-autel et, dans la crypte, un gisant en marbre noir de Theux.

Adresse : Rue du Mont Saint-Martin, 66 à 4000 Liège

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Cathédrale éphémère, forteresse sacrée, une fondation détournée

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Le siège épiscopal était implanté dans une cuvette profonde, ouverte à tous les dangers. L’évêque Eracle (959-971) décide son transfert. En 965, une nouvelle cathédrale Sainte-Marie-et-Saint-Lambert et un palais neuf s’élèvent sur la crête naturellement défendue du Publémont. Mais Notger (972-1008) abandonne le projet de son prédécesseur. Il revient au lieu saint -celui du martyre de Lambert- pour y bâtir la vaste cathédrale romane qui subsistera jusqu’à l’incendie en 1185 et il protège l’ensemble de la Cité par des fortifications. Il ravale l’église du Publémont au rang de collégiale. Il l’achève et la place sous le vocable de saint Martin de Tours, l’un des plus populaires de la chrétienté, mais aussi l’un des saints protecteurs des princes capétiens et des princes ottoniens. La dédicace à saint Martin révèle la politique de Notger, ses sentiments anticarolingiens et sa sympathie active dans l’avènement d’Hugues Capet. Incorporée au système défensif de la Cité, SaintMartin est désormais associée à la protection d’une de ses portes. Elle est devenue une ”forteresse sacrée”.

LA COLLEGIALE INCENDIEE

Août 1312. A Liège, c’est l’émeute. Les métiers, marchands et artisans -ceux qu’on appelle les petits-, soutenus par les chanoines de Saint-Lambert, se battent pour conserver une part du pouvoir fraîchement acquise. Un nombre
considérable de nobles liégeois cherchent asile à Saint-Martin. La foule en colère y boute le feu, condamnant les réfugiés à une mort atroce. La collégiale vit l’un des drames les plus effroyables de l’histoire liégeoise : il gardera le nom de Mal Saint-Martin.

L’ACTION DES GRANDS MECENES

La Renaissance à Liège est le fait du prince Erard de la Marck (1505-1538). La reconstruction de la collégiale, ruinée par les malheurs de 1312 et de  468, démarre à l’avènement de cet homme hors du commun. Partant du choeur, le chantier progresse lentement vers l’ouest et la tour, à laquelle le grand vaisseau va s’arrimer. Interrompus de 1530 à 1540, les travaux se poursuivent jusqu’à la fin du XVIe siècle, au milieu de tracas financiers qui expliquent peut-être la simplicité de l’architecture gothique de l’édifice. Les verrières remarquables de l’abside -l’un des plus beaux ensembles de vitraux européens du XVIe siècle- sont en cours de restauration. Elles sont attribuées à Richard Hoesman, un verrier liégeois qui, accusé d’hérésie, sera banni de Liège en 1533.

Grand bienfaiteur de Saint-Martin, le chanoine Jean Visbrocus a financé la construction des chapelles nord (vers 1580). Généreux mais prudent, il a fait réaliser son propre monument funéraire dès 1576. Un autre grand mécène, le chanoine Charles Haaken, doyen de 1924 à 1945, a enrichi son édifice de sculptures acquises sur le marché des antiquités. Parmi celles-ci, trois chefs-d’ oeuvre de la statuaire mosane des années 1500 : une sainte Anne Trinitaire, une Vierge et un saint Jean au Calvaire.

L’UNE DES PLUS BELLES VIERGES MOSANES – L’UNE DES PLUS VENEREES : Notre-Dame de Saint Séverin

La légende raconte qu’elle est l’oeuvre d’un Juif qui l’aurait sculptée pour sa femme catholique, cloîtrée chez elle par la paralysie. Elle est l’image même  de la tendresse et de l’amour. Considérée comme miraculeuse à partir de 1631, elle a quitté l’église Saint-Séverin supprimée (1803) et trouvé refuge à Saint-Martin en 1805.

1996 : 750ème ANNIVERSAIRE DE LA FÊTE-DIEU

La création au XIIIe siècle de la fête du Saint-Sacrement est un temps fort de l’histoire de l’Eglise. Saint-Martin est au centre de cet évènement qui, de 1230 à 1264, met en scène Julienne -prieure de Cornillon-, Eve -son amie recluse à Saint-Martin- et quelques membres influents du chapitre de la collégiale. Aussi ce berceau de la Fête-Dieu accordera-t-il une importance toujours plus grande au culte eucharistique. Dans l’église reconstruite, une chapelle est réservée au culte et à la confrérie du Saint-Sacrement instaurée en 1575. Ce lieu, particulièrement saint, sera l’objet de soins constants. Les meilleurs artistes liégeois ont participé à sa luxueuse décoration qui, par la peinture et la sculpture, évoquait les préfigures, les figures et les symboles de l’Eucharistie. A partir du XVIIIe siècle, les jubilés de la Fête-Dieu sont fêtés avec beaucoup de solennité. Pour marquer le Ve centenaire, les chanoines font réaliser un maître-autel spectaculaire. Premier à Liège des autels “à la romaine”, il est conçu comme un somptueux trône d’exposition pour le saint Sacrement. Pour la célébration du 750e anniversaire de l’institution de la Fête-Dieu (1996), la basilique Saint-Martin fait peau neuve. Le gros-oeuvre, les vitraux et l’orgue de l’ancienne collégiale Saint-Pierre -oeuvre exceptionnelle de Jean-Baptiste Le Picard (1739-17 41 )- doivent être restaurés. Ce projet ambitieux de complète réhabilitation exige, pour aboutir, le concours de tous.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, partage, correction et iconographie | source : visitezliege.be ; Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © visitezliege.be ; © dp.


A Liège, encore…

LIEGE : la collégiale Saint-Barthélemy, la dernière née des collégiales liégeoises

[d’après VISITEZLIEGE.BELa collégiale. Fondée entre 1010 et 1015 hors les murs de la cité, cette ancienne collégiale, caractéristique de l’architecture rhéno-mosane, fut édifiée, en grès houiller, de la fin du XIe siècle(chœur) aux dernières décennies du XIIe siècle. Remarquable mobilier baroque liégeois. L’intérieur du massif occidental, exceptionnel par ses tribunes, a partiellement retrouvé son allure d’origine.
Les fonts baptismaux. L’église Saint-Barthélemy renferme un des chefs d’oeuvre universels de la sculpture romane, considéré comme une des sept merveilles de Belgique : des fonts baptismaux en laiton (1107-1118) provenant de Notre-Dame-aux-Fonts, l’ancien baptistère de la cité. Cette église, accolée jadis à la cathédrale Saint-Lambert, fut détruite avec elle à la fin du XVIIIe siècle.

Adresse : Place Saint-Barthélemy à 4000 Liège

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LA DERNIÈRE NÉE DES COLLÉGIALES LIÉGEOISES

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Consacrée le 30 octobre 1015 par saint Héribert, archevêque de Cologne, et Baldéric II, évêque de Liège, l’église SaintBarthélemy est une fondation “hors-les-murs” du grand-prévôt de Saint-Lambert, Godesclac de
Morialmé. Témoin précieux de l’architecture romane de style rhéno-mosan, elle appartient
aujourd’hui à la triste catégorie des chefs-d’oeuvre en péril.

[La plaquette qui nous sert de source date de 1991 : entretemps, la collégiale a été magnifiquement restaurée]

LA GROTTE DE SAINT BERTREMIER

C’est sous ce nom évocateur de mystère que les chartes médiévales  désignent la crypte extérieure aménagée devant le choeur oriental. Il en reste des vestiges. Souterraine ou en hors d’oeuvre , la crypte est fréquente dans les collégiales et les abbatiales du diocèse au XIe siècle. Elle sert au culte des défunts : les restes du fondateur ou les reliques d’un autre saint y sont conservées et sont l’objet de pèlerinages. La crypte de Saint-Barthélemy, ouverte par des couloirs sur les bras du transept, abritait les reliques de saint Ulbert.

A L’OUEST, UN DEUXIÈME CHOEUR

La construction de la collégiale romane s’est achevée vers 1170-1 190 par la réalisation du Westbau. Pour comprendre cet énorme massif de grès houiller, il faut faire abstraction du portail creusé dans l’axe au XVIIIe siècle. L’avant-corps n’était pas un lieu de passage ; il abritait le contre-choeur ou choeur occidental. Son décor de bandes lombardes (bandes verticales en saillie réunies au sommet par une frise d’arcatures) est caractéristique de l’architecture romane en pays mosan.

CHEFS-D’OEUVRE EN EXIL

D’aucuns sont partis, d’autres sont venus enrichir celle qui, sous l’Ancien Régime, était la plus pauvre des collégiales liégeoises.

Lorsque j’ai consenti, Mr le Maire, que le carillon du Val Saint-Lambert fut placé en l’église de Saint-Barthélemy, j’ai cédé aux sollicitations de MM. les marguilliers [membres du Conseil de Fabrique] contre mon intérêt personnel ; car je ne leur dissimulai pas que je donnerais volontiers une somme pour éloigner du lieu que j’habite le bruit monotone et presque insupportable d’un carillon.

Lettre du préfet Micoud d’ Umons au maire de Liège (30 avril 1807)

LES FONTS BAPTISMAUX, MIRACLE DE L’ART MOSAN

Fondus avec un art à peine comparable“, prophétise en 1119 le vers 314 du Chronicon rythmicum. L’ oeuvre la plus célèbre et la plus étudiée du patrimoine artistique liégeois -les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy- a jusqu’ici, reconnaissons-le, résisté à toutes les tentatives de rapprochement. N’est-ce pas l’essence même du miracle, “cette chose admirable dont la réalité semble extraordinaire“?

HELLIN

Archidiacre de Liège et abbé de Notre-Dame (1107-1118), Hellin a fait exécuter ces fonts pour son église. Voisine de la cathédrale, l’église Notre-Dame détenait à Liège le droit de baptême. Jusqu’à l’an mil, ce privilège fut même un monopole. Depuis Notger, elle le partageait avec l’église Saint-Adalbert en Ile. Les célèbres fonts seraient, croit-on, un coup d’éclat dans cette “guerre de prestige” que se livrèrent les deux baptistères aujourd’hui disparus.

CHEF-D’OEUVRE D’UN ORFEVRE

Le Chronicon rythrnicum ne mentionne pas l’auteur des fonts. La Chronique de 1402 l’identifie à Renier orfèvre de Huy. Assertion contestée par les spécialistes qui s’affrontent sur cet épineux problème de paternité. Mais tous s’accordent à reconnaître la perfection de l’oeuvre et de la technique utilisée, celle de la fonte à la cire perdue.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, partage, correction et iconographie | source : Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © dp.


A Liège, encore…

LIEGE : la collégiale Saint-Denis, une tour forte dans l’enceinte notgérienne

[d’après VISITEZLIEGE.BE] Collégiale fondée en 987 sous l’évêque Notger et intégrée dans le mur d’enceinte de la cité. La collégiale possède la plus ancienne nef romane liégeoise (1011). Seul le chœur a été reconstruit en gothique (XVe siècle). Décor intérieur baroque (fin XVIIIe siècle). On peut y voir le retable de la Passion, sculpture sur bois du XVIe siècle comptant environ 150 figurines, ainsi que les panneaux des volets peints par Lambert Lombard et représentant des épisodes de la vie de saint Denis.

Adresse : Rue de la Cathédrale, 64 à 4000 Liège

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UNE TOUR FORTE DANS L’ENCEINTE NOTGÉRIENNE

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Point stratégique de la rive gauche : c’est là que, passé le pont d’Ile, le bras secondaire de la Meuse rejoint le cours du fleuve. Fondation de Notger (en 987), la collégiale Saint-Denis fait partie du système défensif de la Cité. Voisine de l’enceinte urbaine, la tour massive et haute est une monumentale tour de guet. Comme pour Saint-Martin-en-Mont, le choix de la dédicace ne relève pas du hasard, mais bien de la politique menée par le grand prince-évêque : Denis, premier évêque de Paris, est lui aussi un saint protecteur des princes Robertiens-Capétiens soutenus par Notger.

CONTRASTES EXTÉRIEURS

Le profil curieux de Saint-Denis, au vaisseau bas dominé à l’est par un  choeur élevé (le plus élevé de Liège) et à l’ouest par la haute tour, est le résultat de diverses campagnes de travaux. De l’édifice consacré en 1011 (une première église, consacrée en 990, aurait disparu dans un incendie treize ans plus tard), seuls subsistent la grande nef romane en grès houiller (elle est la doyenne des nefs liégeoises) et le bas du transept. La tour occidentale avec ses deux tourelles d’escalier a été vraisemblablement bâtie au début du XIIe siècle. Le beffroi, en bois recouvert d’ardoises, est généralement daté de la fin du Moyen Age. Le choeur, élevé en pierre de Lorraine entre 1352 et 1429, est la première et la seule étape d’un vaste projet de reconstruction qui n’a pas été mené à bien.

HARMONIES INTÉRIEURES

L’ancienne collégiale a conservé des témoins de chaque époque de son passé. Eglise à visages multiples, elle est à la fois romane, gothique et rococo. Et ces empreintes diverses, heureusement épargnées par les inconditionnels de l’unité de style, viennent d’être remises en valeur par une restauration exemplaire.

LE RETABLE DE LA PASSION

Cent cinquante figurines, parachevées dans les moindres détails, animent ce retable monumental, considéré comme l’un des meilleurs ouvrages de la sculpture brabançonne du XVIe siècle. Jadis placé sur le maître-autel, il se compose de deux parties distinctes : le haut retrace en six tableaux le drame de la Passion, tandis que la prédelle illustre la vie de saint Denis. Si l’ensemble est régi par les règles de l’art gothique, la prédelle fait une large part au décor renaissant. Pareilles diversités, qui apparaissent aussi dans les costumes et le traitement des draperies, permettent de supposer une réalisation en deux temps.

HOMONYMIE FÂCHEUSE

Dès le Moyen Age, Denis, premier évêque de Paris décapité au IIIe siècle avec Rustique et Eleuthère sur le Mons martyrum (Montmartre), a été confondu avec Denys l’Aréopagite, philosophe athénien converti par saint Paul (Ier siècle). Le retable n’échappe pas à la règle et juxtapose les épisodes de leur vie respective.

… ET SES VOLETS PEINTS

Ils étaient douze, peints sur les deux faces. Ouverts (quelle ampleur devait alors avoir le somptueux retable!) ou fermés, ils complétaient les épisodes de la vie du Christ et de la vie “des saints Denis”. Considérés dès 1700 comme le chef-d’oeuvre de Lambert Lombard (1505-1566), ils n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Quatre volets sont conservés dans l’église.

LE BUFFET D’ORGUE LE PLUS ANCIEN DE LIÈGE

Placé au fond de la nef en 1589 (il a imposé la fermeture de la grande baie qui mettait en communication le premier étage de la tour et le vaisseau), il a, de tous temps, fait l’objet des meilleurs soins. S’il a perdu ses volets peints -ils illustraient bien sûr la vie de saint Denis-, il a gardé sa riche décoration typique des années 1600 (masques, bucrânes, mufles de lion) et quelques ajouts (les feuilles d’acanthe) louisquatorziens. Les férus d’iconographie s’attacheront surtout à son avant-corps : la balustrade de la tribune sculptée de saints ermites et le positif surmonté de trois petites statues, saint Denis céphalophore et ses deux compagnons d’infortune, Rustique et Eleuthère.

SAINT DENIS ENCORE ET LA VIERGE OMNIPRÉSENTE

Tout édifice religieux privilégie le culte de son saint patron représenté dans la sculpture décorative, la statuaire et la peinture. Mais à Liège, le culte patronal est partout contrebalancé par le culte marial particulièrement développé. La cathédrale Sainte-Marie-et-Saint-Lambert l’illustrait parfaitement avec ses deux choeurs opposés, dédiés l’un au martyr et l’autre à la Vierge. Dans la collégiale Saint-Denis, la Vierge et l’évêque de Paris étaient également associés et figuraient dès le Moyen Age à l’entrée du
choeur.

SAINT-DENIS, TERRE D’ACCUEIL

Provenant de paroisses supprimées au début du XIXe siècle, plusieurs  oeuvres d’art de grande qualité ont trouvé refuge dans la nouvelle paroissiale Saint-Denis. Parmi elles, la statue miraculeuse de Notre-Dame-du-Pont-des-Arches et la très belle chaire de vérité de l’église Sainte-Ursule.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, partage, correction et iconographie | source : Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991) | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © dp.


A Liège, encore…

LIEGE : Pierreuse

[HISTOIRESDELIEGE.WORDPRESS.COM, 5 novembre 2021, par Claude WARZEE] Le quartier de Pierreuse est situé derrière l’ancien palais des princes-évêques (1) , au-delà de la tranchée et du tunnel ferroviaires (2). Outre bien sûr la rue Pierreuse elle-même (3), il comporte la rue Volière (4), la rue Fond Saint-Servais (5), au Pèrî (6) et la cour des Minimes.

Les origines

La rue Pierreuse est une des plus anciennes voies de Liège ; au début du VIIIe siècle, déjà, elle constitue le point de départ du chemin vers Tongres. Selon Jean d’Outremeuse, les premières habitations auraient été bâties là peu après la mort de saint Lambert en 705, ce site élevé les mettant à l’abri des inondations fréquentes de la Meuse.

On admet généralement que le terme Pierreuse trouve son origine dans la composition du sol de la colline, lequel est exploité pour ses grès et ses schistes houillers. Le prince-évêque Notger, à la fin du Xe siècle, a profité de cette ressource géologique pour ériger une muraille autour de la cité. Neuf siècles plus tard, le creusement du tunnel ferroviaire a permis de redécouvrir d’anciennes carrières.

En outre, depuis les temps les plus anciens, les terrains non destinés à l’extraction de la pierre ou de la houille sont consacrés aux vignobles.

C’est avec une déclivité de 14% que la rue Pierreuse gravit la colline qui mène sur les hauteurs de Sainte-Walburge. On raconte qu’elle a été la première artère empierrée de la cité, pour faire face aux torrents de boue qui dévalaient la pente les jours d’intempérie.

Les premiers habitants de Pierreuse ont été des notables proches de la cour du prince-évêque et des tribunaux, mais aussi des exploitants de carrières et de fosses houillères. S’y sont aussi installées des auberges et brassines (débits de boissons).

Quand la rue s’est peuplée davantage, aux XIIIe et XIVe siècles, elles s’est complétée de divers métiers : boulangers, bouchers, barbiers, pelletiers, tailleurs… et même dentellières au XVIIe siècle.

En octobre 1520, c’est par la porte Sainte-Walburge et Pierreuse que Charles Quint a fait son entrée à Liège, invité par le prince-évêque Érard de la Marck.

La ferme de la Vache

La ferme de la Vache en 1956 © KIK-IRPA

Cette ferme remonte à la fin du XVIe siècle et a été remaniée aux XIXe et XXe siècles. Elle a été classée en 1981.

On raconte souvent que ce vaste domaine de bâtiments, prés et jardins, a été occupé dès 1620 par des Jésuitesses anglaises, remplacées par des Sépulcrines anglaises à la suite de la suppression de leur ordre, en 1630, par le pape Urbain VIII. Ces religieuses y géraient un pensionnat fréquenté par des jeunes filles issues des plus hautes familles liégeoises ou anglaises, un externat étant réservé aux élèves de condition plus humble. Elles ont déménagé dans le faubourg Saint-Gilles en 1650, expulsée de Pierreuse lors de l’aménagement de nouvelles fortifications décidées par le prince-évêque Maximilien-Henri de Bavière.

Dans un article publié dans la Libre Belgique en juillet 2013, Lily Portugaels s’appuie sur une publication de Bruno Dumont, de l’ASBL Vieux-Liège, pour défendre l’idée que le couvent des Sépulcrines se trouvait non pas sur le site de la ferme de la Vache, mais de l’autre côté de la rue Pierreuse, sur les terres dites du Crexhant (voir ce lien).

L’appellation ferme de la Vache remonte au XVIIIe siècle, époque où prospère l’économie laitière. Le site est devenu, en 1854, la propriété des Hospices civils, puis de l’Assistance publique, avant d’être intégré au patrimoine du CPAS de Liège, qui y développe un projet de réinsertion sociale par le maraîchage biologique.

XIXe-XXe siècle

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, à l’époque de la révolution industrielle, le quartier devient plus populeux. Les brassines, qui pratiquent souvent la prostitution, sont fréquentées par les militaires de la citadelle et contribuent à rendre les lieux ‘mal famés‘ (étymologiquement : de mauvaise réputation). L’escalier de la montagne de Bueren, terminé en 1880, a d’ailleurs été conçu pour permettre à la garnison d’accéder au centre-ville sans passer par la rue Pierreuse, qui lui est désormais interdite.

Au début du XXe siècle, la population reste de condition modeste et compte de plus en plus d’immigrés, tout ce petit monde disposant de ses commerces de proximité. Le quartier est décrit comme pittoresque et cosmopolite. Il intéresse les photographes, qui lui dédient des cartes postales, sur lesquelles les habitants, surtout les enfants, se plaisent à poser.

Barricade

Lieu-dit “Barricade” dans les années 1960 © Ville de Liège

Ci-dessus, le lieu-dit barricade dans la seconde moitié des années 1960 (lieu-dit ainsi nommé en souvenir des grands meetings qui ont fait résonner la rue depuis le XIXe siècle jusqu’aux grandes grèves des années 1960). [Cliquez ici pour lire la suite de l’article et découvrir beaucoup d’autres illustrations…]

Claude Warzée, Histoires de Liège

Merci à Christiane Stefanski pour cette découverte !

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