SAINT-HUBERT : le bourg devenu capitale

[DOCUMENTA : ARDUINA N°2, 1997-1998] Le nom originel d’Andage s’est fondu dans la nuit des temps pour laisser Saint-Hubert faire sien, malgré lui, ce bourg ardennais, depuis consacré capitale européenne de la chasse et de la nature…

Le nom originel du village d’Andage n’a pu que s’effacer face à celui de son  hôte illustre, Saint-Hubert. C’est en la mémoire du “saint homme” que fut construite la basilique qui fait la fierté de ce charmant bourg. Si les historiens continuent à se quereller sur l’origine exacte de I’abbaye et de ses fondateurs, il est en revanche acquis que les reliques de l’évêque Hubert y furent transportées en 825, sur ordre de son successeur, Walcaud, évêque de Liège.

Non loin de l’abbaye, coule une source qui devait se révéler miraculeuse. Le culte de Saint-Hubert connut dès lors une telle ampleur qu’il attira des fidèles venus de partout pour vénérer les reliques du pieux homme. Cette ferveur déclina cependant rapidement, mais le miracle de la Converserie et du cerf crucifère relancèrent le culte de plus belle ; chasseurs, bouchers et forestiers reconnaissant en Saint-Hubert, leur patron.

Aujourd’hui, si la fête de la Saint-Hubert est célébrée un peu partout, le bourg ardennais s’est vu octroyer par la Fédération des Associations de Chasseurs Européens, dont les effectifs dépassent 6,5 millions de membres, le statut de Capitale européenne de la Chasse et de la Nature. Quelle origine doit-on réellement attribuer à cette consécration ?

L’épisode légendaire dû au passé, et qui a fait de Saint-Hubert, le protecteur des hommes et des animaux, ou plutôt le cadre exceptionnel des magnifiques forêts d’Ardenne encore giboyeuses des alentours. Sans doute, les deux explications sont-elles plausibles.

Les manifestations renommées que sont la journée de la Chasse et de la Nature, et surtout les festivités de la Saint-Hubert, ont précédé cette forme de reconnaissance, tandis que la Confrérie des bouchers célèbre, elle aussi, sa cérémonie au début de I’automne .

© rtbf.be

Ces événements majeurs à Saint-Hubert débutent chacun selon le même cérémonial des messes sonnées propres à la localité. Si à I’occasion de la Journée de la Chasse et de la Nature, un cortège haut en couleur apporte une touche toute particulière à l’événement, il est en revanche quelque peu dommage que le faste des autres grandes cérémonies, en particulier lors de la Saint-Hubert proprement dite, s’estompe dès la sortie de l’édifice religieux. La foule massée à l’extérieur de la basilique n’a droit qu’à de brèves sonneries de trompe, tandis que la bénédiction des animaux est réduite à un aspect plutôt symbolique…

Saint-Hubert vibre aussi au nom de I’illustre peintre qui l’a vu naître, Pierre-Joseph Redouté. Un monument – la Fontaine P.J. Redouté – a été élevé à sa mémoire face à I’Hôtel de ville, tandis que le centre portant son nom recèle de souvenirs. Ceux-ci sont réunis dans un bâtiment traditionnel proche de sa maison natale (Rue Redouté), et qui accueille diverses expositions en saison. A chaque printemps, le parc situé au bas de la ville se mue en roseraie, accueillant en une quarantaine de parterres, les variétés de roses chères au peintre.

Les amateurs d’édifices religieux apprécieront encore deux constructions ayant marqué l’histoire de la cité ardennaise. Au bas de la rue du même  nom, l’église Saint-Gilles bâtie vers 1064 , dresse toujours fièrement son imposante tour carrée qui servait de refuge lors des nombreux troubles dont la ville a été victime par le passé.

Elle fut en fait église paroissiale jusqu’en 1809. Elle accueille encore à I’occasion d’hivers trop rigoureux, les fidèles qui ne peuvent avoir accès à la basilique, si difficile à chauffer.

Plus dramatique est I’origine de la petite chapelle Saint Roch édifiée en 1665, dans le but d’enrayer une terrible épidémie de peste qui sévissait dans la région. Elle est située sur les hauteurs de la ville, d’où l’on jouit d’un très joli panorama sur le paysage.

Signalons pour l’anecdote, non loin de là, la rue du Chemin-Neuf, empruntée dès 1665 afin d’esquiver les droits de douane…

C’est à voir

Pièce maîtresse des lieux, l’Eglise abbatiale fut édifiée entre 1526 et 1564,  alors que sa splendide façade date de 1700. C’est en 1927 qu’elle a été promue basilique. L’édifice, impressionnant par sa taille dans cette région avare en bâtiments pompeux, pèse de tout son poids sur la petite ville. Saint-Hubert, jadis lieu de pèlerinage très fréquenté, Capitale européenne de la chasse et de la nature, est aussi désignée, de par sa position géographique, comme le cœur de l’Ardenne! Voilà, décidément, beaucoup à porter pour une petite ville comptant à peine 6.000 âmes et livrée à elle-même, avec la délicate mission de préserver et de promouvoir son patrimoine historique.

Pour le visiteur, avouons-le, la cité des borquins a quelque peine à proposer plus que le gigantesque vaisseau de pierre qui a fait sa légende. La place de la basilique elle-même s’oppose à la majesté de l’édifice… en étant reléguée au rang de vulgaire parking ! Mieux vaut ne pas s’attarder sur quelques façades pour le moins anachroniques qui bordent l’un de ses flancs . Il en est de même pour ce commerce ambulant – que l’habitude a dû faire oublier aux habitants de la ville – trônant au pied du Palais abbatial, à quelques mètres à peine de la basilique ! L’appétit des touristes de passage vaut-il pareil sacrifice du décor ?

© belgia

La basilique, réputée haut lieu de pèlerinage au milieu des forêts ardennaises, n’est pas épargnée. A l’intérieur, la fascination de la grandeur des lieux fait bientôt place à la surprise, voire l’inquiétude quant sa santé. Levez donc les yeux vers la voûte ! Le respect que méritent les bâtisseurs de cette oeuvre grandiose n’impose-t-il pas que l’on panse au plus vite, et du mieux qu’il soit, les plaies provoquées par la pernicieuse action du temps ? Le problème auquel la ville doit faire face est évidemment d’ordre budgétaire.

Mais, fi de ces considérations matérielles, la richesse des trésors historiques exposés ainsi que l’exercice architectural de la construction forcent cependant l’admiration. Les phases successives des travaux de construction sont d’ailleurs relatées sous forme de gravures légendées, et certains vestiges du matériel originel sont exposés. Le chœur et sa crypte constituent les pièces maîtresses des lieux… illuminés par la le rai de lumière que dispensent des vitraux colorés. Visitez donc les lieux un jour de grand soleil pour profiter pleinement de ce spectacle grandiose.

Jouxtant la Basilique, le Palais abbatial, construit en 1728 par l’abbé Dom Célestin De Jong, contient d’admirables boiseries et une rampe d’escalier en fer forgé de Lambin. Sauf occasion exceptionnelle, il ne se visite malheureusement pas, puisqu’il abrite le service des archives de l’Etat, des affaires culturelles de la Province et le bureau du tourisme ! Il en va de même pour ses abords immédiats, qui pourtant engageraient volontiers à la promenade. On y imagine aisément, en effet, combien ce décor se prêterait à un aménagement dans ce sens. Mais l’administration a ses raisons que la raison ignore. Un peu plus loin, détournez de votre regard l’indispensable signalisation routière accolée au pied de l’ancien porche de l’abbaye reconverti en porte de la ville. Contorsions obligatoires…

Un patrimoine à sauvegarder et à exploiter

La critique n’est pas gratuite puisque depuis plusieurs mois, la ville de Saint-Hubert a entamé une réflexion sur le développement du centre. Un projet qui se veut ambitieux par bien des aspects, et parmi ceux-ci, fort heureusement, celui concernant une nouvelle dynamique touristique intégrée à la vie urbaine. Une tâche assurément d’une grande ampleur !

Fort heureusement, la problématique borquine, comme celle des autres villes de la pointe méridionale, interpelle la Région Wallonne dans le cadre d’une aide budgétaire que celle-ci est disposée à accorder sur base des critères précis et… justifiant les dépenses.

Connaître l’état du centre ville où elle interviendra, savoir quel type de développement y est choisi et comment on compte le mettre en oeuvre. Là sont les questions auxquelles la Région Wallonne attend des réponses… avant d’accorder ses subsides. La société Idelux, basée à Arlon et spécialisée dans ce domaine, conseille la ville dans ses investigations. Actuellement, deux rapports de synthèse ont été établis et devraient permettre de définir le type de développement recherché. Parmi les orientations citées dans le projet d’Idelux, figure, entre autres, la mise sur pied d’une structure de promotion touristique unifiée pour la commune partant des atouts du centre ville.

Une fois traversés les méandres politiques et administratifs, les initiateurs du projet ont bon espoir de voir arriver les premiers fonds à l’aube du deuxième millénaire, bientôt en fait… On ne peut que se réjouir de l’aboutissement d’une telle entreprise, qui soyons en sûr, apportera les réponses indispensables à un nouveau regard sur la ville.

En attendant, trinquons à la santé des borquins en dégustant une bière et un saucisson de “Saint-Hubert” !

d’après Christian Léonard, Arduina


Cet article est extrait du dossier qu’Arduina consacra à Saint-Hubert dans les années nonante. D’autres sujets y étaient également commentés :

      • le pénitencier,
      • les miracles de Saint-Hubert,
      • l’apôtre des Ardennes,
      • l’appellation “Saint-Hubert”,
      • le saucisson borquin et la Confrérie des Bouchers,
      • La bière de Saint-Hubert et sa confrérie,
      • Pierre-Joseph Redouté, Au nom de la Rose,
      • le cortège historique.

L’intégralité du magazine Arduina n°2 est téléchargeable en PDF avec reconnaissance de caractère dans notre DOCUMENTA.


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