LESSINES : ND à la Rose, l’hôpital devenu musée

[LALIBRE.BE, 10 août 2009] C’est un extraordinaire témoignage de l’évolution des hôpitaux et des soins de santé du Moyen Âge à nos jours. Si, au hasard d’une promenade, vous trouvez un crapaud bien desséché, gardez-le précieusement, car on ne sait jamais. Du moins s’il faut en croire une recette de pharmacie datant de… 1693 : “le crapaud entier desséché, tenu dans la main, dessous l’aisselle ou derrière l’oreille, arrête le saignement de nez. Etant appliqué sur le nombril, il guérit aussi le flux d’hémorroïdes.

Voilà un “remède” à découvrir, avec beaucoup d’autres, lors de la visite de l’hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines. Cet ancien monastère hospitalier est un endroit étonnant qui a conservé son cachet moyenâgeux et s’est reconverti en un musée fabuleux témoignant de l’histoire de la médecine dans l’atmosphère d’un décor d’un autre temps.

Effectuons un grand bond en arrière: c’est la princesse française Alix de Rosoit, dame d’honneur de la reine Blanche de Castille, qui fonda en 1242 l’hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines, respectant ainsi les dernières volontés de son mari, Arnould IV d’Oudenaarde. Alors âgé de plus de 60 ans déjà, celui qui était grand bailli de Flandres et aussi seigneur de Lessines, fut contraint de repartir à la guerre pour donner un coup de main au roi de France Louis IX. Blessé à la bataille de Taillebourg, près de Poitiers, il décédera quelques semaines plus tard.

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Plutôt que de distribuer purement et simplement l’argent de son défunt mari, Alix décida de fonder un hôpital pour les pauvres en y installant aussi une communauté religieuse de chanoinesses, histoire de conforter un peu plus encore le repos de l’âme de son époux. L’hôpital Notre-Dame de la Rose arriva à point nommé, alors que Lessines connaissait une période de prospérité avec l’expansion de l’industrie drapière.

Ce développement économique et l’accroissement de la population allaient favoriser l’apparition de maladies et d’épidémies. Durant des siècles, l’hôtel-Dieu lessinois bénéficiera de donations et privilèges financiers en tous genres. Il sera protégé par les rois les princes et les ducs, par les papes et les évêques. L’hôpital de Lessines jouera son rôle social jusqu’en 1980. Un record de longévité qui s’explique par la qualité de l’organisation structurelle du site et par la présence ininterrompue de la communauté des religieuses augustines qui géra l’hôpital de sa fondation à la Révolution française et demeura dans les lieux aux XIXe et XXe siècles.

L’ancien monastère hospitalier, traversé par un bras de la Dendre, abrite donc aujourd’hui un musée qui témoigne de l’histoire de la médecine dans l’atmosphère d’un décor d’un autre temps, avec notamment cette très belle salle des malades datant du XVIIIe siècle. C’est aussi un des derniers exemples de site hospitalier autarcique complet, tel que les concevait l’Ancien Régime.

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L’ensemble des bâtiments actuels forment un quadrilatère harmonieux autour du cloître et du jardin intérieur. Même si sept des vingt salles habituelles sont actuellement inaccessibles pour cause de rénovation, les visiteurs ne ratent (presque) rien puisque les objets de ces salles fermées temporairement ont été déplacés dans d’autres lieux du site. On peut y admirer une très belle collection d’objets médicaux illustrant la gynécologie et l’obstétrique ainsi que des aspects parfois étranges de l’histoire de l’accouchement.

Voici encore des tableaux d’élèves de l’école de Rubens et de Van Dyck, des meubles anciens, des pièces d’orfèvrerie, environ 800 étains (dont la vaisselle des patients), des porcelaines de Bruxelles et de Tournai, de nombreux cuivres et des linges précieux. La bibliothèque compte plus de 2.000 livres anciens, dont certains très précieux pour l’édition ou la reliure. Le fonds d’archives, riche de plusieurs milliers de pièces, dont la plus ancienne remonte à 1243, est quasiment intact. La nouveauté, c’est l’ouverture récente de quatre salles consacrées à la pharmacie et une autre en forme de cuisine d’époque.

Au coin des ailes nord et ouest, la pharmacie historique se présente dans son aspect de la fin du XIXe siècle. Le mobilier datant de la première moitié du XIXe siècle est constitué de deux grands corps d’armoire surmontés d’étagères. On enfermait ici les poisons, on y conservait les plantes médicinales et les herbes séchées, comme le lichen d’Islande utilisé contre la toux. Les remèdes et potions étaient fabriqués à partir d’extraits, de décoctions et d’infusions de plantes médicinales. Une autre salle évoque la fameuse thériaque, sorte de remède universel qui fit la la pluie et le beau temps pendant 18 siècles et qui avait le pouvoir de tout guérir.

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Dans la salle voisine, c’est l’Helkiase qui est à l’honneur. Cet onguent très efficace contre les maladies de peau avait été mis au point à Lessines par Sœur Marie-Rose, à la fin du XIXe siècle. L’Helkiase contribua largement à la renommée de l’hôpital bien au-delà des frontières, d’autant que la sœur en question assura un véritable marketing de son produit en éditant des cartes postales, des calendriers et des panneaux-réclame. L’onguent sera finalement retiré de la vente au début des années 1940, après que l’on ait constaté des effets secondaires plutôt inquiétants.

Jean-Marie Antoine

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[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | source : lalibre.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © notredamealarose.be | Remerciements à J.P. Wesel.


En Hainaut encore…

DUBOIS & HELEN : Le pays de Liège (1997)

De Liège à Verviers et de Verviers à Seraing, le cœur de la province de Liège bat au rythme de l’industrie et du tourisme. La région tente de prendre un nouvel envol en jouant de sa situation privilégiée au confins de trois pays et de trois langues. Traversé par la Meuse, l’Ourthe et la Vesdre, le bassin liégeois était au Moyen Âge un centre intellectuel et religieux de la plus haute importance avant de brûler au rythme des charbonnages.

Le charbonnage d’Argenteau-Trembleur fut mis en exploitation de 1816 à 1980. Dans le musée de la Mine, d’anciens mineurs emmènent les visiteurs dans les galeries d’exploitation, les installations de surface et les salles d’exposition retraçant l’histoire des techniques minières.

Localité éponyme du célèbre Pays et du fromage, la visite de Herve peut se limiter à celle de l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste. Le massif clocher en pierre est un donjon du XIIIe siècle aménagé au XVIIe. Autour de l’église subsistent plusieurs maisons des XVIIe et XVIIe siècles.

Née de la Vesdre, Verviers se remet doucement de la mort de l’industrie lainière qui fit sa richesse. La chapelle Notre-Dame-des-Récollets renferme une chaire de vérité, des confessionnaux du XVIIIe et une Vierge noire miraculeuse. La chapelle Saint-Lambert (XVIIIe-XIXe) exhibe fièrement un beau mobilier Louis XIV. Veillant sur la place du marché, l’élégant hôtel de ville Louis XVI avec son avant-corps saillant, ses colonne corinthiennes, son tympan et sa tourelle est un sommet de l’architecture principautaire. Le musée d’Archéologie et de Folklore est installé dans l’ancienne demeure du bourgmestre Joseph Cornet (1757) à la belle façade Louis XV ; l’Hôpital nouveau (1668) abrite les collections du musée des Beaux-Arts et de la Céramique ; les locaux de l’école  supérieure textile accueillent le prémusée de la Laine.

Plus rien ne permet de supposer que le village perché de Limbourg ait été le centre d’un puissant duché. Si la forteresse a été démantelée, la rue principale est bordée d’un ensemble de très belles maisons du XVIIe.

Clermont-sur-Berwinne mérite une halte prolongée. Placée sur une motte près de l’ancien château, l’église gothique Saint-Jacques-le-Majeur servit de refuge aux habitants de l’alleu avant d’être reconstruite entre 1628 et 1632. Tout autour de la mairie, qui remplaça en 1888 l’ancienne halle aux plaids, la place du village aligne des maisons Louis XIII, XIV et XV. Du premier château de Clermont, subsistent une butte, les traces des douves et un joli porche gardé par une tour ronde. Un peu en dehors du centre, le château-ferme de l’Aguesse en Renaissance mosane combine un beau logis et une forte grange. En contrebas, le petit château de Crawhez (1551 ) est parvenu intact avec sa façade de brique et de pierre, ses pignons à redents, son toit asymétrique et ses curieuses boules de pierre.

Les bâtiments (XVIIe-XVIIIe) de l’abbaye Notre-Dame de Val-Dieu, fondée en 1216 par des moines cisterciens, dégagent une impression de calme. L’église néogothique recèle les stalles Renaissance de l’abbaye de la Paix Dieu d’Amay . De l’autre côté de la route, l’ancien moulin de l’abbaye possède toujours sa roue et son mécanisme.

Symboles des querelles linguistiques nationales, les Fourons sont une enclave limbourgeoise en province de Liège. Cela mis à part, les paysages bucoliques respirent le calme. À Fouron-Saint-Pierre, la belle commanderie de l’Ordre teutonique en Renaissance mosane dépendait d’Alden Biesen. Une agréable promenade conduit à la ferme et au castel Notre-Dame à Teuven, puis à Beusdaal dont le gros donjon en grès, les bâtiments à colombages et les douves forment un tableau qui mérite le détour.

Port fluvial situé au débouché de la Meuse, Visé est renommée pour son riche folklore et sa célèbre recette de l’oie. L’incendie du 10 août 1914 a épargné le chœur de la collégiale Saint-Martin qui abrite la châsse de saint Hadelin emportée de Celles. Le remarquable hôtel de ville mosan (1613) n ‘a pas eu cette chance, mais a été restauré en 1935.

À Seraing, meurt lentement l’une des entreprises les plus renommées du pays, les Cristalleries du Val-Saint-Lambert [en-tête] installées dans une ancienne abbaye cistercienne. Seule la salle capitulaire (XIIIe) a été restaurée ; les autres vestiges s’écroulent lentement, à côté de bâtiments industriels du XIXe.

Flémalle, le château de Chokier © Bert Beckers

Simple bourgade située aux confins de la Hesbaye, du sillon mosan et de l’agglomération liégeoise, Flémalle comprend plusieurs châteaux : le château du XVIIe ceints de douves occupé par la maison communale, le château de Hautepenne qui conjugue une aile Renaissance mosane et une austère tour médiévale en grès et surtout le château d’Aigremont érigé en même temps que la chapelle baroque Saint Mathieu (1715). Il arbore une façade classique avec des frontons triangulaires et une subtile alternance de travées en saillies soulignées par des chaînages de pierre. Le château Chokier, autre donjon médiéval transformé en demeure de plaisance, est construit à fleur de falaise. Du paysage industriel émergent la vieille tour Dame-Palade (XVIe) et l’église de Chokier (XVIIIe) au riche mobilier.  Explorée en 1911, la grotte de Ramioul a ajouté à ses deux étages aux riches concrétions un musée moderne et vivant, le préhistosite. Le visiteur pénètre dans un campement paléolithique et peut expérimenter les techniques utilisées par nos ancêtres.


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Cet article est extrait de l’ouvrage de Martine Dubois & Luc Helen, Belgique, une encyclopédie pratique, aujourd’hui indisponible, si ce n’est en antiquariat. Dans notre documenta, vous pouvez en télécharger une copie scannée avec reconnaissance de caractères. Vous y trouverez les adresses de contact des différents sites remarquables, tels qu’en… 1997, ainsi que les liens vers d’autres chapitres transcrits au départ du livre.