[HISTOIRESDELIEGE.WORDPRESS.COM, 5 novembre 2021, par Claude WARZEE] Le quartier de Pierreuse est situé derrière l’ancien palais des princes-évêques (1) , au-delà de la tranchée et du tunnel ferroviaires (2). Outre bien sûr la rue Pierreuse elle-même (3), il comporte la rue Volière (4), la rue Fond Saint-Servais (5), au Pèrî (6) et la cour des Minimes.
Les origines
La rue Pierreuse est une des plus anciennes voies de Liège ; au début du VIIIe siècle, déjà, elle constitue le point de départ du chemin vers Tongres. Selon Jean d’Outremeuse, les premières habitations auraient été bâties là peu après la mort de saint Lambert en 705, ce site élevé les mettant à l’abri des inondations fréquentes de la Meuse.
On admet généralement que le terme Pierreuse trouve son origine dans la composition du sol de la colline, lequel est exploité pour ses grès et ses schistes houillers. Le prince-évêque Notger, à la fin du Xe siècle, a profité de cette ressource géologique pour ériger une muraille autour de la cité. Neuf siècles plus tard, le creusement du tunnel ferroviaire a permis de redécouvrir d’anciennes carrières.
En outre, depuis les temps les plus anciens, les terrains non destinés à l’extraction de la pierre ou de la houille sont consacrés aux vignobles.
C’est avec une déclivité de 14% que la rue Pierreuse gravit la colline qui mène sur les hauteurs de Sainte-Walburge. On raconte qu’elle a été la première artère empierrée de la cité, pour faire face aux torrents de boue qui dévalaient la pente les jours d’intempérie.
Les premiers habitants de Pierreuse ont été des notables proches de la cour du prince-évêque et des tribunaux, mais aussi des exploitants de carrières et de fosses houillères. S’y sont aussi installées des auberges et brassines (débits de boissons).
Quand la rue s’est peuplée davantage, aux XIIIe et XIVe siècles, elles s’est complétée de divers métiers : boulangers, bouchers, barbiers, pelletiers, tailleurs… et même dentellières au XVIIe siècle.
En octobre 1520, c’est par la porte Sainte-Walburge et Pierreuse que Charles Quint a fait son entrée à Liège, invité par le prince-évêque Érard de la Marck.
La ferme de la Vache
Cette ferme remonte à la fin du XVIe siècle et a été remaniée aux XIXe et XXe siècles. Elle a été classée en 1981.
On raconte souvent que ce vaste domaine de bâtiments, prés et jardins, a été occupé dès 1620 par des Jésuitesses anglaises, remplacées par des Sépulcrines anglaises à la suite de la suppression de leur ordre, en 1630, par le pape Urbain VIII. Ces religieuses y géraient un pensionnat fréquenté par des jeunes filles issues des plus hautes familles liégeoises ou anglaises, un externat étant réservé aux élèves de condition plus humble. Elles ont déménagé dans le faubourg Saint-Gilles en 1650, expulsée de Pierreuse lors de l’aménagement de nouvelles fortifications décidées par le prince-évêque Maximilien-Henri de Bavière.
Dans un article publié dans la Libre Belgique en juillet 2013, Lily Portugaels s’appuie sur une publication de Bruno Dumont, de l’ASBL Vieux-Liège, pour défendre l’idée que le couvent des Sépulcrines se trouvait non pas sur le site de la ferme de la Vache, mais de l’autre côté de la rue Pierreuse, sur les terres dites du Crexhant (voir ce lien).
L’appellation ferme de la Vache remonte au XVIIIe siècle, époque où prospère l’économie laitière. Le site est devenu, en 1854, la propriété des Hospices civils, puis de l’Assistance publique, avant d’être intégré au patrimoine du CPAS de Liège, qui y développe un projet de réinsertion sociale par le maraîchage biologique.
XIXe-XXe siècle
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, à l’époque de la révolution industrielle, le quartier devient plus populeux. Les brassines, qui pratiquent souvent la prostitution, sont fréquentées par les militaires de la citadelle et contribuent à rendre les lieux ‘mal famés‘ (étymologiquement : de mauvaise réputation). L’escalier de la montagne de Bueren, terminé en 1880, a d’ailleurs été conçu pour permettre à la garnison d’accéder au centre-ville sans passer par la rue Pierreuse, qui lui est désormais interdite.
Au début du XXe siècle, la population reste de condition modeste et compte de plus en plus d’immigrés, tout ce petit monde disposant de ses commerces de proximité. Le quartier est décrit comme pittoresque et cosmopolite. Il intéresse les photographes, qui lui dédient des cartes postales, sur lesquelles les habitants, surtout les enfants, se plaisent à poser.
Barricade
Ci-dessus, le lieu-dit barricade dans la seconde moitié des années 1960 (lieu-dit ainsi nommé en souvenir des grands meetings qui ont fait résonner la rue depuis le XIXe siècle jusqu’aux grandes grèves des années 1960). [Cliquez ici pour lire la suite de l’article et découvrir beaucoup d’autres illustrations…]
Claude Warzée, Histoires de Liège
Merci à Christiane Stefanski pour cette découverte !